À l'épreuve de l'objet

A l'essence intangible des gestes qui caractérisent les savoir-faire de la mode, et aux défis ainsi inhérents à leur étude dans le temps, répond le silence des artefacts qu'ils ont façonnés. Cette séance propose de considérer ces objets de mode, vêtements ou accessoires, comme des archives de savoir-faire. En donnant la parole à deux conservatrices de musées, Marie-Charlotte Calafat du Mucem (Marseille) et Véronique Belloir du Palais Galliera (Paris) nous nous tenterons ainsi d'aller à rebours de ce mutisme pour explorer les narrations, les traces et indices d'un travail singulier préservés dans la matière, ses transformations et ses assemblages.

Ce sont aussi deux approches de la mode, de ses objets, matériaux et techniques que racontent les deux invitées par le prisme des collections de leurs musées respectifs. Au musée de la mode de la ville de Paris revient majoritairement l'héritage d'une haute couture parisienne, quand le Mucem, héritier du Musée des Arts et Traditions populaires aborde le vêtement avec la perspective forgée par son fondateur Georges-Henri Rivière.

Marie-Charlotte Calafat proposera un historique de l’approche ethnographique conduite sur les costumes régionaux par le musée national des Arts et Traditions populaires (Mnatp) et le musée de l’Homme. Seront ainsi questionnées la constitution des collections de costumes régionaux et traditionnels et leur exposition au regard de la création contemporaine qui décode les langages liés aux vêtements et s’en inspire. Les dialogues entre costume régional au musée et haute couture sont rares et peuvent sembler être fondés sur une triple contradiction : le costume serait le fait d’un groupe, là où la haute couture serait celui d’individualités créatrices ; symbole de permanence, pensé comme le garant immuable d’une culture donnée, il s’oppose à un secteur professionnel adossé à des principes comme l’éphémère et le renouvellement ; il est enfin systématiquement associé à un territoire, face à un phénomène globalisé.

Véronique Belloir présentera une sélection de pièces issues des collections du Musée de la mode de la ville de Paris. A partir du dernier tiers du XIXe siècle, alors que la mécanisation notamment des ornements (galons, broderies) se fait sentir, jusqu'au milieu du XXe siècle alors que les grands noms de la couture parachève leur succès créatif, ce parcours permet, de robe en manteau, de saisir les transformations des métiers et des acteurs qui les façonnent. D'une couturière anonyme, à un fabricant textile (Rodier), d'une créatrice de motifs (Andrée Brossin de Méré) à un tailleur ou premier d'atelier talentueux, les savoir-faire sont multiples qui se dissimulent derrière la griffe du seul couturier.