Coder le son : les enjeux de la partition musicale
Violaine Anger —
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Chaque note qu’on voit apparaître sur une partition musicale est une image très complexe, puisqu’il s’agit d’« une tache noire qui dit du son ». Ce miracle remonte à l’époque des Carolingiens (IXe siècle après JC), qui ont inventé la notation musicale et qui ont su transcrire et rendre visible le son avec une précision extrême. Cet effort de codage a pris la forme d’images et non pas de signes purement intellectuels comparables à l’alphabet des Grecs.
Cette rencontre entre deux manières de penser (la manière alphabétique grecque et l’image très élaborée du mouvement qui s’invente chez les Carolingiens) est un moment-clé de la pensée occidentale, dont les enjeux ont été comparables à ceux d’aujourd’hui puisqu’il s’agissait déjà d’intégrer le nombre dans l’image et d’analyser le monde en format numérique.
En permettant de maîtriser le mouvement, le codage de la musique au IXe siècle après JC peut être considéré comme une avancée majeure de la vie de l’esprit, ayant permis de transcrire la parole en images. C'est l'invention de repères numériques porteurs de paramètres précis : hauteur et longueur du son, notamment, mais aussi durée, discontinuité et émotion. D’une certaine façon, c’est le premier apprivoisement de l’irrationnel par les nombres. La notation musicale peut donc être considérée comme une aventure artistique et culturelle qui prend place au cœur de la pensée scientifique occidentale.
Violaine Anger
Violaine Anger est musicologue, maître de conférence à l’Université d’Evry Val d’Essonne, maître de conférence associée à l’Ecole Polytechnique.