Franz Kafka et la postérité en matière de création
Jean-Philippe Domecq —
- Littérature
"Voici, mon bien cher Max, ma dernière prière : Tout ce qui peut se trouver dans ce que je laisse après moi (c'est-à-dire, dans ma bibliothèque, dans mon armoire, dans mon secrétaire, à la maison et au bureau ou en quelque endroit que ce soit), tout ce que je laisse en fait de carnets, de manuscrits, de lettres, personnelles ou non, etc. doit être brûlé sans restriction et sans être lu, et aussi tous les écrits ou notes que tu possèdes de moi ; d'autres en ont, tu les leur réclameras. S'il y a des lettres qu'on ne veuille pas te rendre, il faudra qu'on s'engage du moins à les brûler" (lettre de Franz Kafka à Max Brod, 1921).
Le testament de Kafka pose la question du "trouble de la postérité" en matière de création artistique : en demandant à son ami Max Brod de brûler son oeuvre après sa mort, l'auteur du Procès a voulu signifier qu'il ne partageait pas "ce rêve traditionnel prêté aux créateurs où l'art semble une manière mémorable de s'unir à l'histoire"... (Maurice Blanchot). Pourtant Kafka, qui a "brûlé sa vie pour son œuvre", montre "l'impossibilité de partir sans laisser quelque chose" puisque sa demande ambigüe était peut-être conçue pour n'être pas respectée.
Jean-Philippe Domecq
Jean-Philippe Domecq, romancier et essayiste.