Avis à ceux qui ont plus de goût que de fortune
Un écrivain qui parade en vêtements de gala est un artiste dénaturé, et, probablement, un homme corrompu. Voilà ce que nous disent les «Regrets sur ma vieille robe de chambre» de Diderot, apologie du goût fruste, exprimant ce parti-pris très net que le faste vestimentaire ou décoratif va directement à l'encontre du travail d'écriture : la trop belle apparence empêche la pensée. Prenant part au débat sur le luxe qui agita longtemps son siècle, Diderot associait déjà en 1767, dans sa Satire contre le luxe à la manière de Perse, l'amour des biens matériels à une décadence morale et politique, et le décrivait comme un facteur possible de régression artistique. Le bon écrivain est toujours chez lui un homme détaché des préoccupations pécuniaires et mondaines, c'est-à-dire un homme vertueux. Mais avec la condamnation du luxe va la louange d'une autre forme de vête-ment, et les «Regrets» de Diderot sont avant tout une ode funéraire à une guenille adorée. La situation qu'ils présentent, très simple, est celle d'un renouvellement de garde-robe, mais où le philosophe se rend compte, une fois acceptée une luxueuse robe de chambre écarlate des mains d'une riche amie, que son ancien habit de travail lui était un soutien de chaque instant. Description d'un changement de peau forcé, d'une nouvelle apparence sentie comme une destitution, les «Regrets sur ma vieille robe de chambre» mettent en jeu la description d'une pratique quotidienne et de son éthique vestimentaire, la confrontation du faire et de l'apparaître.
Détails de l’édition
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- Modes Practiques