La création artistique en zone de marnage
Marie-Haude Caraes —
Quelques-unes des nouvelles contrées de la création passent aujourd’hui par une interrogation des rapports entre art et économie – deux domaines qui ont pu se combattre symboliquement et idéologiquement tout au long du XXe siècle. Un phénomène de convergence, de captation entre les deux modèles semble être en mesure de s’actualiser durable- ment, où chacun puise chez l’autre, des systèmes d’organisation, des méthodes de conception, parfois même les finalités. Deux territoires donc – l’art et l’économie – se rapprochent, s’inspirent l’un l’autre, se recoupent jusqu’à construire des plateformes communes. Le schéma booléen qui renvoie dos à dos, l’artiste, gardien exclusif de l’épaisseur symbolique et spirituelle du monde et l’entre- preneur, matérialiste soumis au trivial du produit, à la contingence du marché est impropre à décrire le grand brassage des normes, des hiérarchies et des valeurs qu’affronte le monde contemporain : les lignes bougent, les rôles sociaux et symboliques, dans un jeu complexe fait de déplacement, d’ouverture, de rupture, opèrent un brouillage du sens commun. Deux figures antithétiques – l’artiste et l’entrepreneur – avaient depuis la révolution industrielle construit un clivage entre la liberté de l’un et l’asservissement de l’autre.