Les usages culturels du mot design
Bruno Remaury —
Dans ses Entretiens sur les vies et sur les ouvrages des plus excellents peintres anciens et modernes publiés entre 1666 et 1688, André Félibien, historiographe de Louis XIV et secrétaire de l’Académie d’architecture, emploie régulièrement le verbe « desseigner » pour « dessiner », orthographe qu’au XVIIIe siècle Furetière qualifie de rare mais qui n’en figure pas moins à la lettre D de son dictionnaire, quelques lignes avant « des- sein » et « dessiner ». De la même façon, les planches de l’Encyclopédie de Diderot consacrées au dessin sont légendées « Dessein » – mots tous deux originaires du latin designare qui signifie « représenter concrètement » lui-même passé dans l’italien de la Renaissance sous la forme disegnare pour, au sens propre, « tracer les contours de quelque chose » ou au sens figuré « former un projet ». Une double dimension présente aux origines du mot, celle du « dessin à dessein », que le sens français a perdues là où l’anglais design les a conservées.